Commu­niqué de presse des éditions FLBLB à propos de l’ef­fa­ce­ment de la fresque de Chloé Wary réali­sée à Cham­pi­gny-sur-Marne (94)

Où l’on apprend que, parfois, la fiction racon­tée dans une œuvre peut rattra­per son autrice

Chloé Wary, avec laquelle nous travaillons depuis 5 ans, raconte en BD des récits de vie en banlieue, d’ha­bi­tant.e.s qui se battent pour exis­ter, souvent malgré les poli­tiques natio­nales, régio­nales ou locales. L’au­trice situe les fictions que nous avons publiées (Saison des Roses, 2019, Prix du public au Festi­val d’An­gou­lême 2020 / Rosi­gny Zoo, 2023) dans une ville imagi­naire nommée Rosi­gny-sur-Seine, mais qui est, en réalité, un métis­sage de villes de banlieues pari­siennes que Chloé connaît bien, puisqu’elle y a grandi, et qu’elle y vit toujours. Fiction, donc, mais nour­rie par la vie et la sensi­bi­lité de l’au­trice, et inspi­rée de faits réels, comme par exemple la ferme­ture de la MJC de Chilly-Maza­rin par la mairie, dans les années 2010, qu’a vécue Chloé comme un trau­ma­tisme dans son adoles­cence et qui se retrouve trans­po­sée dans le récit de Rosi­gny Zoo.

Beau­coup d’au­teur.rice.s de BD acceptent des commandes publiques, en plus de leur travail artis­tique, pour en prolon­ger la portée, et aussi pour complé­ter leurs reve­nus. C’est le cas de Chloé Wary, qui a signé, en avril 2023, une conven­tion avec la mairie de Cham­pi­gny-sur-Marne, et à la demande de la média­thèque Jean-Jacques Rous­seau et de la Maison des Arts, en vue de la réali­sa­tion d’une fresque murale inspi­rée de son travail en BD. Pour cette pein­ture, Chloé a utilisé l’uni­vers et les person­nages de Saison des Roses et Rosi­gny Zoo. La réali­sa­tion de la fresque, de 23 mètres de long, a débuté en juin et s’est étalée sur plusieurs semaines, avec l’aide des habi­tant.e.s, notam­ment des jeunes et du club de foot. En septembre, pour ancrer son travail dans le réel et pour défendre ses convic­tions, comme elle le fait toujours, Chloé ajoute deux petits textes : « Rubiales fuera » (en rapport avec le baiser non consenti de l’en­traî­neur de l’équipe de foot fémi­nine espa­gnole) et « Justice pour Nahel » (en lien avec la mort du jeune de Nanterre, mortel­le­ment blessé par le tir d’un poli­cier, et qui a déclen­ché des émeutes partout en France).

L’inau­gu­ra­tion a lieu le 7 octobre et, à la surprise de l’au­trice, autant le démar­rage de l’œuvre murale avait été festif, joyeux, avec un public nombreux et des élus au rendez-vous, autant cette inau­gu­ra­tion se tient de manière confi­den­tielle, sans publi­cité, et abso­lu­ment sans édile. Chloé ne s’en émeut pas parti­cu­liè­re­ment, c’est simple­ment un constat, et elle aurait sans doute oublié la chose, si un évène­ment n’avait fait réson­ner amère­ment cette inau­gu­ra­tion ratée : dans la nuit du 10 au 11 octobre, la fresque a été méti­cu­leu­se­ment recou­verte d’une épaisse couche de pein­ture blanche. Invi­si­bi­lisé, Rosi­gny-sur-Seine ! Masqués, le « Rubiales Fuera » et le « Justice pour Nahel » ! Détruite l’œuvre d’art de Chloé Wary ! Oups, les auteurs de ce forfait avaient malen­con­treu­se­ment oublié, sur un pan de mur dans le prolon­ge­ment, la signa­ture de l’au­trice. Qu’à cela ne tienne, ils reviennent quelques jours plus tard, à la sableuse ou au karcher, pour termi­ner l’ef­fa­ce­ment.

Nos regards se tournent vers la mairie de Cham­pi­gny-sur-Marne, comman­di­taire de l’œuvre, que l’au­trice a inter­pel­lée par cour­rier et sur les réseaux sociaux, et qui a mis 10 jours à lui propo­ser un rendez-vous pour le 2 novem­bre… En parti­cu­lier, vers M. Patrice Latronche, élu à la culture, signa­taire du contrat de pres­ta­tion artis­tique et qui s’est, jusque-là, montré mutique, alors qu’il aurait pu, voire qu’il aurait dû, soute­nir l’ar­tiste qu’il a lui-même enga­gée, et dont on peut suppo­ser qu’il appré­cie le travail. Si les petits ajouts de dernière minute de Chloé ne sont pas du goût des élus muni­ci­paux, ce qui peut tout à fait se comprendre dans le cas d’une commande publique, il aurait été oppor­tun de contac­ter l’au­trice, de lui faire part des réserves émises, qu’elle était tout à fait en mesure de comprendre, et qui l’au­raient sans doute conduite à les rempla­cer, par des textes moins polé­miques.
Mais sortir, sans aver­tis­se­ment ni somma­tion, le rouleau compres­seur de la pein­ture blanche pour obli­té­ra­tion massive pose ques­tion. Censure ? Abus de pouvoir ? Irres­pect voire mépris pour un travail de commande accom­pli ? A moins qu’une équipe de nettoyage mal infor­mée ait malen­con­treu­se­ment effacé la fresque, comme c’est arrivé à Banksy à Londres en 2020 ? Nous espé­rons que le rendez-vous du 2 novembre proposé à l’au­trice permet­tra de répondre à ces ques­tions et abou­tira à des excuses pour le moins légi­times, et à une répa­ra­tion du préju­dice artis­tique.

En atten­dant, lisez Saison des Roses, lisez Rosi­gny Zoo, deux magni­fiques bandes dessi­nées de Chloé Wary, qui apportent la preuve, s’il en était besoin, que les artistes peuvent parfois être vision­naires, et racon­ter des histoires qui débordent le cadre de leurs livres pour percu­ter la réalité !

Grégory Jarry
Éditeur de Chloé Wary
Éditions FLBLB

PS : Toute l’af­faire en images sur l’Insta­gram de Chloé Wary